«

»

Juin 15

Imprimer ceci Article

CAVANNA jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai

 

Séance exceptionnelle le jeudi 18 juin à 20h30 à Utopia Saint-Ouen en présence de la réalisatrice Nina Robert, et du chroniqueur Delfeil de Ton, parmi les premiers collaborateurs de Hara Kiri et aujourd’hui chroniqueur à Siné Mensuel et au Nouvel Observateur, auteur de « Mon cul sur la commode »

CAVANNA jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai

Denis et Nina ROBERT – documentaire France 2015 1h25mn –

Du 15/06/15 au 07/07/15

CAVANNA jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai

« Seule la virulence de mon hétérosexualité m’a empêché à ce jour de demander Cavanna en mariage. » Pierre Desproges
Le très beau documentaire du journaliste, écrivain et cinéaste Denis Robert et de sa fille Nina commence par l’enterrement de ce géant qu’était François Cavanna, l’homme dont les romans historiques et populaires (Les Ritals, Les Russkofs…), largement inspirés de son histoire personnelle (l’arrivée en France de ses parents, immigrés italiens, puis, durant la guerre, son séjour en Allemagne au service du travail obligatoire…) et de son vécu politique, ont fait le bonheur de toute une génération de lecteurs. Cavanna qui, avec « Hara Kiri » puis « Charlie Hebdo », a imposé dès les années 60 une presse satirique inspirée et inventive, qui n’avait pas peur d’aller très loin et de chier dans la colle, pour reprendre l’expression favorite de son vieux camarade Siné. Un mec dont la stature marmoréenne et les bacchantes célèbres s’imposaient sur les plateaux télé, entre tendresse et coups de gueule gigantesques, comme celui poussé, à l’occasion de l’arrêt – faute de lecteurs – du premier « Charlie Hebdo », sur le plateau de « Droit de Réponse », émission mythique de feu Michel Polac, où il est arrivé que volent les cendriers.

Denis Robert croyait comme beaucoup que Cavanna faisait partie de la mémoire passée et présente de tout un chacun mais, alors qu’il donnait un cours à des étudiants journalistes, il se rendit compte, atterré, que la plupart ne le connaissaient pas : il y en eut même un, victime consentante de l’abrutissement télévisuel, pour le confondre avec l’humoriste canadien Anthony Kavanagh ! Denis Robert, connu pour ses enquêtes dans le monde économique (il eut les pires ennuis à cause de ce qu’on appela « l’affaire Clearstream »), décida qu’il était urgent de témoigner de Cavanna, sa vie et ses œuvres, tant qu’il était vivant, ne sachant pas au début du tournage qu’il aurait peu de temps et que le 7 Janvier 2015, un événement tragique marquerait à jamais l’histoire du journal créé par le bonhomme et son complice Choron.
Ponctué par les interventions très belles de Siné, Charb et de proches plus anonymes lors de l’enterrement, le film, à partir d’images d’archives, de témoignages de compagnons (des collaborateurs d’Hara Kiri comme Delfeil de Ton, mais aussi des amis moins connus comme un brillant paléontologue) et surtout de longs extraits d’un entretien avec Cavanna, déroule avec intelligence et gourmandise le parcours de ce fils de prolo italien devenu écrivain populaire et joyeux fouteur de bordel via la presse.

Il est émouvant de revoir le Cavanna touché par les hommages de ses pairs écrivains sur le plateau très propret d’Apostrophes, ou le Cavanna chef d’une joyeuse bande de fêtards avec tous ses copains d’Hara Kiri puis de Charlie dont beaucoup ont tristement disparu (Gébé, Choron, Reiser, emportés trop vite par la maladie, Wolinski parti avec Honoré, Cabu et Tignous dans l’attentat du 7 Janvier). Le film ne fait pas pour autant l’économie d’une critique de la dérive de Charlie Hebdo sous la direction de Philippe Val (et derrière lui l’avocat Richard Malka, par ailleurs défenseur de… Clearstream !). On apprend par Delfeil de Ton l’entourloupe de la direction qui ne donna que 0,4% du capital de Charlie à son cofondateur Cavanna, obligeant le malheureux devenu nonagénaire à travailler encore et toujours pour survivre. Le regard triste et les paroles mesurées mais néanmoins accusatrices de Cavanna témoignent du fossé qui l’opposait au nouveau Charlie et du regret qu’il porta toutes ses dernières années pour la brouille avec son frère ami/ennemi Choron, dans laquelle on l’avait poussé. Ce qui n’empêche pas le film de rendre un vibrant hommage à tous les combattants de l’irrévérence tombés ou pas, et à tous ceux qui perpétuent cet héritage.

Lien Permanent pour cet article : http://95.lepartidegauche.fr/?p=876