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Jan 11

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Vie d’une friche industrielle

Nous sommes tous témoin de l’apparition de friches industrielles qui perdurent de nombreuses années, voire des dizaines d’années. Elles polluent notre environnement, défigurent les paysages, immobilisent des terrains favorisant le grignotage des terres agricoles et des espaces naturels. Les industriels considèrent la friche comme un coût. Cet article décrit les principaux mécanismes mis en œuvre pour échapper ou du moins pour minimiser ce coût.
Il faut noter que au delà de cette simple description, l’efficacité de ces mécanismes est fonction de la présentation des dossiers plus ou moins justes, de lenteurs savamment orchestrées, d’omissions plus ou moins volontaires.

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Définition.

Une friche industrielle est un terrain laissé à l’abandon à la suite de l’arrêt de l’activité économique qui s’y exerçait.
Ces activités économiques peuvent être classifiées en :
industrie lourde (mine et extraction d’hydrocarbures, métallurgie, énergie, chimie, nucléaire),
industrie de transformation (chimie fine, biotechnologie, agroalimentaire, plasturgie, métallurgie de transformation, assemblage, etc.),
logistique et commerciale (entrepôts, centres commerciaux, parcs d’animation etc.)
activités militaires.

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Caractéristiques des friches industrielles.

Ces friches industrielles génèrent souvent des pollutions durables et souvent graves des sols, des nappes phréatiques et de l’atmosphère. La nature de ces pollutions est souvent difficile à appréhender :
– site occupé par des activités différentes successives ou conjointes d’où des interactions, souvent imprévisibles, entre des polluants de natures différentes,
– accès difficile aux archives d’usines, d’ateliers,
– archives perdus ou détruites plus ou moins volontairement,
– perte de la mémoire vivante (licenciements, mutations, décès, etc.),
– dépôts de déchets dangereusement polluants, plus ou moins clandestins (par exemple dans d’anciennes mines) ou oublis de ceux-ci sur le site.

Ces produits polluants, d’une durée de vie parfois considérable, ont de multiples aspects :
– métaux lourds, radionucléides et des métalloïdes (plomb, cuivre, zinc, cobalt, nickel, cadmium, arsenic, antimoine …)
– produits chimiques (explosifs, résidus d’engrais …)
– hydrocarbures (essence, fuel, huiles, goudrons, pétroles bruts …)
– solvants et diverses molécules organiques (hydrocarbure aromatiques polycycliques, benzène, xylène …)
– germes pathogènes résistant aux biocides.
Les nanoparticules et les organismes génétiquement modifiés, dont les impacts sur l’environnement font débat, font leurs apparition dans les friches industrielles.

Toutes ces caractéristiques entraînent, souvent, un coût de remise en état de ces friches très conséquent (diagnostics préliminaires, résorption des pollutions des sols, des bâtiments et des machines, démolitions et terrassements, éventuellement contentieux juridiques). En conséquence, nombre d’industriels essaient de le minimiser, voir de l’éviter, afin de maintenir des profits maximum.
Pour ce faire, divers procédés, plus ou moins licites, sont employés. La description des plus courants suit.

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Laisser faire le temps.

Le premier consiste à laisser faire le temps ainsi la pollution des sols diminue par dissolution dans les nappes phréatiques et évaporation dans l’atmosphère (sels métalliques solubles et solvants volatils par exemple). De fait, des charges privées sont transférées sur les sphères publiques nationale et internationale.

Transférer ses responsabilités.

L’industriel peut tenter de transférer ses responsabilités sur des tiers.
L’obligation de remise en état du site pèse sur l’exploitant de celui-ci. Dans cet article n’est pas abordé les problèmes de fusion de sociétés, de filiales, de rachats, de faillites et autres arcanes juridiques.
Le Conseil d’Etat considère que lorsque plus de 30 ans se sont écoulés depuis la date officielle de cessation d’activité, le préfet ne peut plus imposer à l’exploitant la charge du coût entraîné par la remise en état d’un site. Si les dangers ou inconvénients présentés par le site ont été dissimulés cette prescription trentenaire tombe, l’obligation de remise en état est alors imprescriptible. En présentant un dossier à minima et en exécutant certains travaux, l’industriel peut espérer ne pas susciter de réactions préfectorales contraignantes financièrement pendant la prescription trentenaire. C’est alors les finances publiques qui prendront le relais selon des mécanismes décrits plus avant.
En cas de succession d’exploitants exerçant des activités différentes, le dernier exploitant prend en compte ses propres pollutions et celles communes à tous (ce partage est parfois sujet à d’âpres batailles juridiques). En conséquence, on assiste à une ventilation des responsabilités entre plusieurs exploitants, les prédécesseurs ayant de grandes chances de voir se dérouler sans encombre leur prescription trentenaire du fait qu’une exploitation est toujours en cours.

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Optimiser ses finances.

La programmation de travaux de rénovation de site permet d’inscrire dans la comptabilité de l’entreprise des provisions donc de pratiquer des opération d’optimisation fiscale et de placements financiers.
L’exploitant peut demander la réalisation d’un audit de la valeur locative cadastrale des locaux auprès de l’administration pour faire prendre en compte la perte future de cette valeur locative. Il peut ainsi obtenir une diminution de la taxe foncière correspondante, voir sa mise à zéro à terme.

Disparaître.

Si l’exploitant d’une friche industrielle est insolvable, décédé ou inconnu, le préfet peut demander à l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) d’intervenir directement et/ou par sous-traitance sur le site pour des  opérations urgentes de mise en sécurité, de surveillance, de maintenance, d’études, de travaux de dépollution. Les travaux sont financés par des fonds affectés à l’ADEME qui sont alimentés notamment par la TGAP (La Taxe Générale sur les Activités Polluantes) appliquée à l’élimination et au transfert de déchets. L’ADEME, établissement public (EPIC), se substitue donc financièrement et opérationnellement à l’industriel défaillant.

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Vendre sa friche.

Passé un certain temps, une friche industrielle devient un handicap pour la commune concernée : protestation de la population, impact électoral, pénurie de terrains non agricoles, etc. celle-ci demande donc à l’industriel de lui vendre sa friche. Pour ce faire, elle fait souvent appel à un EPF.
Un établissement public foncier (EPF) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) doté d’une autonomie financière. Il est financé par :
des contributions accordées par l’Etat, les collectivités locales membres, l’Union européenne et les établissements publics,
la rémunération de ses prestations de services, de ses placements financiers, de ses locations, de ses ventes,
l’emprunt,
la taxe spéciale d ‘équipement (TSE) si les collectivités décident de l’instaurer .
Sa vocation principale est de mutualiser les moyens humains et financiers dans la gestion foncière, pour gérer à moindre coût.
Il acquiert des terrains par acquisition à l’amiable, par expropriation ou par droit de préemption pour le compte d’une collectivité locale pour un temps déterminé à l’issue duquel ils sont rétrocédés à cette collectivité locale. Pendant ce laps de temps, l’EPF gère les terrains, mène des études nécessaires à cette maîtrise foncière, les remet en état et les dépollue éventuellement. Cette procédure est notamment employée pour recycler des friches industrielles transférant ainsi une charge privée sur les deniers publics.

Et le val d’Oise ?
Il n’échappe pas à ce schéma. Il possède de nombreuse friches industrielles (voir la base de données BASOL du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie).
L’Etablissement public foncier d’Etat du Val d’Oise a été créé par décret le 13 septembre2006. Une TSE a été instituée. Il couvre l’ensemble des communes et collectivités de communes du Val d’Oise. En consultant son site, on relèvera de nombreuses opération de reconversion de friches industrielles (Asnière-sur-Oise, Herblay, Goussainville, Louvres, etc.)

En conclusion.

Il est urgent que le citoyen reprenne le pouvoir, il y va de la survie de l’humain. Pour notre sujet, les orientations proposées par le Parti de Gauche suivantes apporteraient une première réponse :
relocalisation des industries (nos chaussettes n’ont pas à être produites en Chine !)
contrôle citoyen des processus industriels (la pollution n’a pas à être confidentielle)
réduire le consumérisme (est-il judicieux de payer des contenants pour les jeter dans l’environnement après consommation?)
planification écologique (mettre fin à la création anarchique de centres commerciaux surnuméraires qui ne durent que le temps de l’attrait de la nouveauté, Europa City sera-t- il le prochain exemple?)

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Sources :
Service publique de la diffusion du droit
http://www.legifrance.gouv.fr

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Base de données Basol sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif.
http://basol.developpement-durable.gouv.fr/

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
http://www.ademe.fr

Etablissement public foncier (EPF) du Val d’Oise
http://www.epf-vo.fr

Encyclopédique WIKIPEDIA
http://fr.wikipedia.org

CCI PARIS ILE-DE-FRANCE
http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr

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